samedi 23 juillet 2011

Rôle des syndicats: la «République nouvelle» de François Hollande



par Stéphane Le Foll


En réponse à Alain Vidalies, qui critiquait sur Mediapart l'idée d'une «constitution sociale» avancée selon lui par François Hollande, le député européen Stéphane Le Foll (PS) défend la «république nouvelle qui donne du pouvoir (…) aux corps intermédiaires, les premiers d'entre eux étant les syndicats» de l'ancien premier secrétaire.

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puceinvite.jpgDepuis qu'il s'est déclaré candidat à l'élection présidentielle, François Hollande ne cesse de faire des propositions: emploi des jeunes avec le contrat de génération, pacte productif pour relancer la croissance, souffrance au travail, sécurisation des parcours professionnels, égalité femmes-hommes, rôle de l'Etat etc.
Le 15 juin 2011, il faisait paraître dans le journal Le Monde (lire ici) un texte consacré à la démocratie sociale. Il s'agissait de faire des propositions pour que, dans notre pays, souffle un véritable esprit de négociation entre les partenaires sociaux sur les questions sociales. Il s'agissait aussi de redonner aux partenaires sociaux, et donc principalement aux syndicats, une capacité de négocier qu'ils ont partout ailleurs en Europe. En sachant que les pays où les syndicats sont les plus forts sont aussi les pays où ils négocient le plus et sont, de ce fait, les plus utiles aux salariés.
Comme l'écrivait François Hollande: «Il faut avoir confiance en la démocratie sociale. Mettre la société en mouvement sera la mission du prochain président de la République. Non seulement changer de pouvoir mais changer le pouvoir, c'est à dire la façon de délibérer et de décider...Ainsi, la Constitution devrait garantir à l'avenir une véritable autonomie normative aux partenaires sociaux...Cette modification constitutionnelle devrait avoir en matière de démocratie sociale le même impact que les lois de décentralisation dans l'organisation de notre démocratie territoriale.»

Pour nous, les socialistes ont été à la pointe de la démocratie territoriale avec les lois de décentralisation et doivent être aussi à la pointe de la démocratie sociale. Pour François Hollande: «si l'Etat doit rester le garant de la cohésion nationale et de l'ordre public social, il n'a rien à redouter de laisser une plus grande place aux partenaires sociaux dans la définition et l'élaboration des normes sociales.»
Suite à la publication de ce texte sur la démocratie sociale, Alain Vidalies, secrétaire national du PS au travail et à l'emploi -et soutien de Martine Aubry- a fait paraître sur le site Médiapart un article intitulé: «Constitution sociale: une idée piégée». Drôle de titre, pour un drôle d'article.
Là où on aurait pu s'attendre à un débat d'idées, à une confrontation légitime sur le rôle respectif de la démocratie politique et de la démocratie sociale; on a droit à une caricature de la pensée de François Hollande. Puisque François Hollande est favorable à une «Constitution sociale» nous dit Alain Vidalies, il s'aligne donc, ce faisant, sur les positions de l'ancien président du Medef Ernest Antoine Seillière qui, en 1999, avait fait la même proposition.
Malheureusement pour Alain Vidalies, son coup manque la cible. Pour une raison très simple: jamais François Hollande n'évoque dans son texte la notion de «Constitution sociale», qui est au cœur de la «démonstration» à charge d'Alain Vidalies. Ainsi pour les raisons d'un argumentaire strictement militant, on en vient à manquer de rigueur et à ne pas porter le débat sur le fond.
Alors restons sur le fond! Oui en effet, notre pays est le seul en Europe qui laisse une part aussi minime à la culture du compromis et de la négociation. Oui partout ailleurs -en Allemagne, au Danemark, aux Pays-Bas, mais aussi en Italie etc... -les partenaires sociaux jouissent, de longue date, d'une autonomie normative reconnue. Loin d'être des acteurs mineurs comme en France, les partenaires sociaux occupent une place éminente dans l'élaboration de la norme sociale. Ces pays s'en portent-t-ils si mal? Veut-on comparer par exemple leur taux de syndicalisation avec le nôtre?
En quoi «les fondements républicains de notre Constitution» comme l'écrit Alain Vidalies seraient-ils menacés si, sur certains sujets sociaux, les partenaires sociaux pouvaient créer du droit, de la norme sociale? Ne peut-on avoir un débat serein sur notre vision des relations sociales dans notre pays, sur la place respective que doivent y occuper la loi et le contrat, sans qu'immédiatement certains claironnent que la République est en danger? Sachons entre socialistes raison garder!
Pour ma part, comme François Hollande, je crois, il faut se méfier de tout dogmatisme comme il faut se prémunir de toute illusion. Le dogmatisme et la rigidité consisteraient à vouloir que l'Etat continue à s'occuper de tout, à légiférer sur tout. Dans ce cadre, la négociation collective est un simple appendice de la loi et les syndicats «des associations protestataires à irresponsabilité illimitée».
Est-ce cela que nous voulons, si demain nous avons à conduire les affaires de la France? Cette pratique, où le «Politique» consulte trop souvent les partenaires sociaux pour la forme et leur fait avaliser des projets déjà arrêtés, constitue la matrice des relations sociales depuis des décennies. Veut-on poursuivre dans cette voie? Le dernier avatar de cette méthode avec la prime salariale voulue par Nicolas Sarkozy devrait pourtant nous guérir pour toujours de telles pratiques. La droite en joue et, en la matière, Nicolas Sarkozy est un expert. Le Medef s'en accommode parfaitement, avec comme résultat, un affaiblissement du syndicalisme.
Doit-on fermer les yeux sur cet affaiblissement? Nous ne voulons plus nous satisfaire de cet état de fait. En renforçant, la démocratie sociale, en relançant la négociation collective nous voulons donner aux syndicats un nouveau rôle et donc les renforcer. C'est l'intérêt des salariés de ce pays de se doter de syndicats responsables et forts pour lutter contre les salaires indécents, les conditions de travail dégradées, les contrats de travail précaire, etc...
Qui à gauche peut s'opposer à cela? Qui à gauche a peur des syndicats?
L'illusion serait par contre d'idéaliser le modèle du compromis social. François Hollande ne fait pas abstraction des rapports de force entre le patronat et les syndicats, mais il sait par contre que dans le domaine social, toute règle négociée est plus solide qu'une règle imposée. Il ne s'agit pas de demander à l'Etat de quitter la scène des relations sociales. La preuve, dans son article du Monde, François Hollande écrit que l'Etat reste le garant de l'ordre public social.
Le débat qu'il ouvre concerne le rééquilibrage qu'il faut opérer entre le domaine de la loi et le domaine de la convention et du contrat pour placer ses espoirs dans une évolution du syndicalisme français. Celles et ceux qui voient les syndicats comme des acteurs seulement réactifs et défensifs se trompent d'époque. Le syndicalisme a besoin de marcher sur ses deux jambes: la protestation certes, mais aussi la proposition et l'engagement.
Les transformations du système capitaliste au niveau mondial, les modifications des relations professionnelles en France, la remise en cause de l'Etat providence supposent que les socialistes analysent de façon nouvelle leurs relations avec les partenaires sociaux en général et les syndicats en particulier.
Les tenants d'une vision étatiste du pouvoir se trompent d'époque et de combat
Enfin, nous ne construirons pas les relations sociales de la France de demain dans une opposition permanente entre la démocratie politique et la démocratie sociale qui dure depuis la Révolution française. Il n'y a pas d'un côté les tenants de la noble cause de l'intérêt général et de l'autre les défenseurs de corporatismes éculés. Il faut sortir de cette vision qui sclérose nos relations sociales.
Il ne sert plus à rien de vouloir opposer ces deux légitimités, mais au contraire, il faut réconcilier démocratie politique et démocratie sociale pour fonder un système de relations sociales où la responsabilité des acteurs sera au cœur de l'engagement que François Hollande entend prendre devant les français. Il ne s'agit pas de capter le pouvoir en laissant entendre que l'on peut tout régler seul, comme l'a fait Nicolas Sarkozy; il s'agit d'exercer le pouvoir en faisant confiance aux acteurs qui concourent à l'intérêt général et donc à la réussite de tous. On ne sortira de la crise que nous connaissons qu'en bâtissant une République nouvelle qui donne du pouvoir et de la responsabilité, aux corps intermédiaires, les premiers d'entre eux étant les syndicats.
C'est dans ce combat, pour une meilleure Démocratie, que tous les socialistes doivent se reconnaître et s'engager.

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